L’après-libéralisme, essai sur un système-monde à réinventer, par Immanuel Wallerstein

Éditions de l’Aube, La Tour d’Aigues, 1999.

(Note rédigée en 1999, et en deux parties : la première est un résumé très bref à l’usage d’une émission de radio, tandis que la seconde développe un peu plus en détail les thèses du livre à l’attention d’une rencontre politique Est-Ouest, en 1999 également.)

I.

Il faut d’abord s’expliquer sur ce que l’on entend ici par « libéralisme ». Car le terme désigne aussi bien une idéologie – au sens de programme politique à long terme – qu’une doctrine et une pratique économiques qui ont fini par se répandre dans le monde entier, au point qu’on peut parler d’économie-monde ou, comme dans le titre de ce livre, de système-monde. Les historiens s’accordent à situer la naissance du capitalisme au XVIe siècle. Deux siècles plus tard, la Révolution française de 1789 en marque la maturité en éliminant les vieilles structures de l’Ancien Régime. S’ouvre alors la période dite « modernité » qui verra l’apparition et le développement des idéologies. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que pour Wallerstein, la Révolution française est le passage d’une Weltanschauung, celle de l’Ancien Régime, à une autre, celle de la modernité. Weltanschauung : vision, regard, appréhension du monde partagée par l’ensemble du corps social : « De ce point de vue, précise l’auteur, une idéologie ne serait nullement une Weltanschauung : elle serait une réponse (parmi d’autres) à l’avènement de cette Weltanschauung qui s’appelle modernité. » En tant qu’idéologie (ou en tant que programme politique), le libéralisme viendrait s’inscrire au centre tandis que les deux autres grands courants de la modernité, le conservatisme et le socialisme occuperaient respectivement sa droite et sa gauche. En réalité, dit Wallerstein, tout cela n’est pas si simple : il se pourrait en fait qu’il n’ait existé depuis 1789 qu’une seule idéologie, le libéralisme, dont les trois citées précédemment n’auraient été que des variantes. Cette hypothèse fait l’objet du premier chapitre du livre. Le second aborde le rapport – souvent nié de manière très… idéologique – entre libéralisme et État-Nation. Il montre comment chacune des trois variantes a contribué à la légitimation des États-Nations et, en conséquence, du système des relations internationales jusqu’au moment où celui-ci est entré en crise avec ce qui est nommé ici la « révolution mondiale de 1968 ». En effet, 1968 voit la naissance d’une contestation radicale des trois variantes, ou, si l’on préfère, du libéralisme lui-même. « La révolution mondiale de 1968 a défait le consensus idéologique, et les vingt années suivantes ont vu s’effilocher la crédibilité du consensus libéral, ce qui s’est soldé par l’effondrement des communismes en 1989. » Ainsi, pour résumer, Wallerstein prend le contre-pied de tous ceux qui, à l’instar de Fukuyama, ont compris la « Chute du Mur » comme la victoire finale du libéralisme et, partant, la « fin de l’Histoire ». Au contraire, pour lui, 1989 est la date de « l’implosion du libéralisme », formule qu’il utilise comme titre de son troisième chapitre, qui commence ainsi : « L’année 1989 est l’année de la soi-disant fin des communismes. Les années 1990-1991 délimitent le cadre chronologique de la soi-disant guerre du Golfe persique. Les deux événements, bien que si intimement liés, sont néanmoins de caractère entièrement distinct. La fin des communismes marque la fin de toute une ère. La guerre du Golfe persique en inaugure une nouvelle. L’une referme, l’autre ouvre. L’une demande une réinterprétation, l’autre une évaluation tout court. L’une relate un récit d’espoirs trompés et d’attentes déçues, l’autre fait surgir l’angoisse de choses qui sont encore à venir. »

On voit par là que Wallerstein, s’il constate l’effondrement du libéralisme, n’en tire pas une vision forcément optimiste de l’avenir. Comme il le dit lui-même, « il n’y a aujourd’hui pas plus de raison pour l’optimisme que pour l’optimisme. Tout reste possible, mais tout demeure incertain. Nous devons […] réviser de fond en comble nos vieilles stratégies. Nos vieilles analyses, de même. Elles portent toutes trop la marque de l’idéologie dominante de l’économie-monde capitaliste. » Et de proposer une nouvelle « utopistique », c’est-à-dire une recherche conséquente menée par les forces antisystémiques qui doivent prendre conscience des difficultés, mais aussi des opportunités offertes par la situation. Wallerstein pense qu’une cinquantaine d’années seront nécessaires avant que n’émerge une nouveau système-monde proche de l’équilibre. D’ici là, le chaos peut entraîner des catastrophes sans précédent, mais aussi se révéler fécond pour les initiatives alternatives. Un livre stimulant, donc, pour toutes celles et ceux qui ne veulent pas se contenter de l’actuel ordre (ou désordre) du monde.

 

II.

1. Système-monde, géoculture et idéologie

Pour Wallerstein, le capitalisme est né au XVIe siècle et il a engendré (ou s’est engendré comme) une « économie-monde » (entendue ainsi car elle fait monde par elle-même, ses réseaux et ses structures façonnent le monde). Cette économie-monde s’est d’abord développée au sein d’un « système-monde » qui datait de bien avant elle. On pourrait d’ailleurs se demander si, à propos de cette époque-là, on ne devrait pas parler de plusieurs systèmes-mondes (celui de la Chine, celui des Incas avant la Conquista, etc.), ce qui en soit, apparaît évidemment un peu problématique. Quoi qu’il en soit, le capitalisme, dès sa naissance, tend à unifier le monde, à le « créer à son image ». « Un système-monde, dit W., comporte toujours une géoculture, bien que cela puisse prendre longtemps pour se mettre en place à l’intérieur d’un système historique donné. J’utilise ici le mot culture dans le sens où il est habituellement employé par les anthropologues, celui d’un ensemble de valeurs et de règles fondamentales, conscientes aussi bien qu’inconscientes, qui gouvernent l’effet de récompense à l’intérieur du système social, érigeant ainsi un dispositif d’illusions qui tend à persuader ses membres de leur intérêt à accepter la légitimité de ce système. » Le renversement de l’ancien système-monde et de sa géoculture (elle même productrice d’une Weltanschauung spécifique, voir ci-dessus) a pris trois siècles : il s’est produit autour de la Révolution française. Cet événement va être suivi par l’apparition d’un nouveau phénomène : les idéologies.

La Révolution entraîne deux bouleversements majeurs : la « normalisation » du changement politique et le transfert de la souveraineté du monarque au peuple. Les idéologies se sont constituées comme des manières de prendre en charge ces deux bouleversements. La première dans l’ordre chronologique fut le conservatisme : « réaction » de ceux qui furent choqués, et même révulsés par cette modernité qui bousculait les traditions. Son programme politique : freiner les changements le plus possible. L’épisode suivant fut la constitution du libéralisme, qui se définit lui-même par opposition au conservatisme, et qui postule la certitude et la vérité de la nouvelle vision du monde, la modernité. Ce fut le projet de garantir que l’histoire suivrait son cours, par le réformisme pensé, continuel, intelligent… Le socialisme arrive en dernier, après 1848. Ne se distinguant guère du libéralisme au départ, il a pour programme d’accélérer ce processus de progrès social que les libéraux veulent seulement « accompagner ». En résumé : face à la modernité, soit limiter les dégâts (conservateurs), soit laisser se faire les choses (libéraux), soit les accélérer quitte à affronter les résistances du passé (socialistes) ; comme le remarque très pertinemment Wallerstein, les trois idéologies se sont constituées contre : le conservatisme, contre la Révolution française et ses conséquences, le libéralisme, contre les conservateurs et, pour finir, le socialisme contre le libéralisme. « L’unité véritable de chaque famille idéologique venait de ce à quoi elle s’opposait. »

2. De 1789 à 1989

Le premier tournant politique majeur intervient avec la révolution mondiale de 1848. C’est un point très important car c’est à ce moment-là que vont se fixer les stratégies politiques des trois grands courants. Les conservateurs comprennent qu’il est impossible de freiner le changement uniquement par la répression. Il faut donc intégrer les « classes dangereuses ». Ce qui sera réalisé par le développement des États-Nations et de leurs corollaires : nationalisme, colonialisme, racisme. Les libéraux, eux, comprennent qu’il faut faire des concessions : le suffrage universel (masculin) et une petite dose de participation aux bénéfices de la production industrielle. Quand aux socialistes, ils comprennent qu’ils n’arriveront pas à de grands résultats en comptant seulement sur les soulèvements populaires spontanés et sur la construction de microsociétés communistes (coopératives, etc.). Il leur faudra passer par la conquête du pouvoir d’État et donc par la construction des partis.

La période suivante est celle du triomphe du libéralisme, avec une conséquence paradoxale qui est la quasi-disparition des partis Libéraux. En contrepartie, les conservateurs (la droite) deviennent des libéraux-conservateurs, tandis que leurs adversaires de gauche, les socialistes, deviennent des libéraux-socialistes. Il y a consensus autour de quelques points essentiels (voir ci-dessus), un consensus qui permettra à la fois les horreurs coloniales et celles de la première guerre mondiale (Unions sacrées). Au sortir de celle-ci, le programme de Wilson d’autodétermination et de Société des Nations n’est rien d’autre qu’une tentative d’étendre le principe de suffrage universel à la société internationale. Il sera suivi plus tard par Roosevelt, puis Truman qui, eux, tenteront d’appliquer le principe de l’État-Providence aux mêmes relations internationales (principe du « développement »). Entre-temps, la Révolution russe a fait long feu, enfermée dans un seul pays ; elle a repris, avec une autre rhétorique, les mêmes principes d’industrialisation, de renforcement de l’État, de politique étrangère que les puissances traditionnelles. Mais, fait déterminant pour la stabilité du système-monde libéral, l’URSS capitalise cependant les espoirs de changements des masses dans le monde entier. La période dite de la guerre froide permettra aux gouvernements des deux camps ennemis de domestiquer leurs oppositions internes. Dans les années 1960, des mouvements soi-disant antisystémiques sont au pouvoir un peu partout sur la planète : mouvements de libération nationale au Tiers-Monde, partis sociaux-démocrates dans les métropoles occidentales, bloc socialiste. Pourtant, l’intégration mondiale qui a paru un moment proche de sa réalisation concrète n’aura finalement pas lieu. C’est la révolution mondiale de 1968 qui marque le début de la fin de la géoculture libérale.

« La véritable raison pour la mise au rancart des œillères idéologiques d’un universalisme trompeur en 1968 se trouve dans un changement de la réalité sociale sous-jacente. » En effet, accompagnant l’expansion illimitée de la logique d’accumulation du capital, des contradictions non pas nouvelles, mais dont des couches toujours plus nombreuses de populations ont pris conscience, sont arrivées à maturité. Primo, l’urbanisation du monde et l’augmentation des communications font que l’on ne peut plus cacher les inégalités économiques et engendrent une pression toujours plus forte pour l’augmentation des salaires et des demandes envers les États de meilleurs niveaux de protection sociale et de garantie de l’emploi. Deuzio, les États sont pris entre ces demandes qui augmentent aussi à cause de l’externalisation des coûts de production par les entreprises (ex : les coûts liés à la santé publique, à la pollution de l’environnement, à la recherche scientifique, etc.) et celles… des entreprises, justement, qui réclament toujours plus de subventions (ou de dégrèvements d’impôts et de suppressions de charge sociales). Tertio, la prise de conscience politique est désormais mondiale : « les disparités au niveau global et au niveau étatique sont distribuées de façon raciale-ethnique-religieuse. D’où il découle qu’une conjugaison de prise de conscience politique et de crises fiscales dans les États va entraîner une lutte massive qui prendra sans doute la forme de guerre civiles, aussi bien au niveau mondial qu’au niveau des États. »

La première expression de la délégitimation des États et de la trinité idéologique libérale eut lieu en 1968. Elle s’est poursuivie et, selon Wallerstein, achevée en 1989 avec la disparition du « socialisme réel ». Ici, on pourrait reprendre la citation de ce conseiller de Gorbatchev qui avait prédit, dès les débuts de la Perestroïka : « Nous allons porter un coup terrible à l’Occident : nous allons le priver d’ennemi. »

3. Et maintenant ?

La question la plus intéressante pour un mouvement comme le Forum Civique Européen est bien sûr celle qui porte sur le présent et l’avenir ; des réponses qui peuvent être envisagées dépendent les hypothèses de recherche et d’action qu’il adoptera.

L’après-libéralisme, tel est le titre choisi par Wallerstein. Est-ce à dire que le système-monde libéral appartient déjà au passé ? Oui, parce qu’il est désormais incapable de fournir des perspectives raisonnables de bonheur et de confiance en l’avenir (en d’autres termes : un horizon de signification) à une immense majorité de l’humanité, et parce que les leurres sur lesquels il pouvait compter pour faire patienter les gens dans une attitude messianique – le bloc communiste, l’émancipation du Tiers-monde, les social-démocraties du Nord – ont désormais soit disparu, soit perdu toute crédibilité. Oui encore parce que les États, instruments majeurs de redistribution et de protection sont en crise un peu partout (voir ci-dessus), sans que des formes étatiques supranationales apparaissent en mesure de les remplacer dans un avenir proche.

Et non, le système-monde libéral n’appartient pas encore au passé parce que les États et leurs capacités de répression existent toujours. Non encore, parce que toutes les illusions produites par deux siècles de libéralisme n’ont pas disparu, par exemple, celle qui consiste à réduire la modernité à son seul aspect technico-scientifique (voir le phénomène Internet et l’idéologie de la communication et des réseaux), et aussi celle qui consiste à identifier l’universel au concept produit par les Lumières, c’est-à-dire par des hommes blancs européens. À cet égard, le retour du « protectorat » (en Bosnie et au Kosovo) comme instrument des relations internationales est très significatif, comme d’ailleurs l’idée de « guerre morale » ou de « guerre humanitaire » qui vient relooker opportunément les vieilles antiennes sur la mission civilisatrice de l’homme blanc en Afrique ou en Cochinchine. Non enfin et surtout, car le marché mondial existe toujours !

Wallerstein pense que la transition vers un nouvel « ordre mondial » risque de durer de vingt-cinq à cinquante ans ; et cela sans que nous ayons aucune garantie de déboucher vers un meilleur état des choses… Nous entamons, dit-il, une nouvelle ère, celle de la désintégration de l’économie-monde capitaliste. Quelles idéologies pourront subsister dans ce contexte ?

« Le héros du libéralisme, l’individu, n’aura vraisemblablement plus de grand rôle à jouer, puisqu’aucun individu isolé ne peut longtemps survivre au milieu d’une structure en pleine désintégration. Notre choix en tant que sujets ne peut plus être que de former des groupements assez importants pour conquérir des espaces de force et de viabilité. Ce n’est donc en rien un accident si le thème de « l’identité groupale » occupe désormais le devant de la scène à un degré auparavant insoupçonné dans le système-monde moderne. Si les sujets sont des groupes, ces groupes sont dans la pratique multiples, pluriels et se chevauchent de manière très complexe. » Mais attention : entre 1789 et 1989, conservateurs et socialistes ont tenté d’imposer la primauté du groupe : ordres et autres groupements traditionnels pour les conservateurs, collectivité (peuple) pour les socialistes. Donc, « il nous faut de notre côté mettre en avant une idéologie (c’est-à-dire un programme politique) basée sur la primauté du groupe en tant qu’acteur. Il ne semble exister que deux idéologies concevables […] : l’une mettra plus probablement en avant la vertu et la légitimité des groupes dans le genre survie du plus fort ». Ici, Wallerstein pense aux « porteurs de discours néoracistes », aussi bien au Nord qu’au Sud, et il craint leurs alliances afin de préserver des « localités forteresses ». Il ne serait peut-être pas inintéressant d’analyser la crise yougoslave de ce point de vue. Mais il existe une idéologie alternative : « Il s’agit de celle qui reconnaît les droits égaux de tous les groupes à participer à un système-monde reconstruit tout en reconnaissant simultanément la non-exclusivité de ces groupes. Il s’agit donc d’un réseau de groupes transversal et maillé de façon complexe. Certains Noirs, mais pas tous les Noirs, sont des femmes. Certains musulmans, mais pas tous les musulmans, sont noirs. Certains intellectuels sont musulmans… et ainsi de suite, ad infinitum. La véritable place pour les groupes au soleil implique qu’il y ait des espaces de liberté à l’intérieur de ces mêmes groupes. Tous les groupes représentent des identités partielles. L’érection de frontières défensives entre les groupes entraîne la création de hiérarchies à l’intérieur de ces groupes. Cependant, bien entendu, sans limite défensive perceptible, aucun groupe ne peut longtemps subsister. »

Wallerstein s’interroge ensuite sur la stratégie à mettre en œuvre : « La formulation définitive d’une stratégie antisystémique claire pour une ère de désintégration nécessitera au moins deux décennies pour s’élaborer », prévient-il d’emblée. « L’un de ses composants essentiels devra assurément être la rupture définitive avec la stratégie ancienne qui visait une transformation sociale grâce à la conquête du pouvoir d’État. […] Une telle rupture avec la pratique du passé implique une attitude de non-coopération radicale avec la prise en charge gestionnaire des difficultés du système. […] L’entraide autocentrée des forces populaires doit être considérée comme une chose nettement distincte de la négociation des réformes à l’intérieur des structures existantes. […] [Les forces antisystémiques] devraient désormais se concentrer sur l’expansion de groupes sociaux réels de toutes sortes, au niveau des communautés de base tout d’abord, puis de leur mouvant rassemblement (constamment reconfiguré) à des niveaux toujours plus élevés, même sous une forme non unifiée. L’erreur fondamentale de ces forces durant l’ère précédente aura été de croire que plus leur structure était unifiée, plus grande allait être son efficacité. […] La base de la solidarité entre cette multiplicité de groupes […] doit devenir toujours plus subtile, plus mouvante et flexible, plus organique. La mouvance des forces antisystémiques doit se développer à des vitesses variées et multiples dans une constante reconfiguration de ses priorités tactiques. »

Tout cela ne sera possible que « si chacun des groupes constitutifs est en lui-même une structure complexe, au fonctionnement interne démocratique. Et cela ne sera possible à son tour que si, au niveau collectif, nous reconnaissons qu’il n’y a aucune priorité stratégique hiérarchisée dans la lutte. […] La bataille pour la transformation ne peut être menée que sur tous les fronts à la fois. »

Wallerstein propose ensuite une idée de tactique qu’il nomme de « surcharge générale du système en prenant ses prétentions et ses revendications au sérieux ». Par exemple, pourquoi ne pas exiger, face à l’immigration Nord-Sud, l’application des principes libéraux, c’est-à-dire l’ouverture des frontières à tous ceux qui veulent venir ? Ce type de revendication est à l’exact opposé d’une tactique qui consisterait à se charger de la gestion des propres difficultés du système, un piège dans lequel sont tombées la plupart des forces antisystémiques durant les dernières décennies.

Enfin, Wallerstein souhaite que ces forces développent leur propre utopistique, « une réflexion prospective et des débats sur les dilemmes réels de l’ordre démocratique et égalitaire qu’elles projettent de construire. […] L’utopistique n’est en rien une affaire de rêveries utopiques mais une anticipation dégrisée et lucide des difficultés à venir et un libre usage de l’imagination pour créer des structures institutionnelles alternatives. On a cru souvent qu’elle serait source de division. Mais si les forces antisystémiques doivent être une mouvance unifiée et complexe, alors des visions alternatives redevenues possibles feront partie de la mise en œuvre du processus. »

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