À propos de la dernière bulle d’une institution française qu’académique on nomme

  1. « Prenant acte de la diffusion d’une “écriture inclusive” qui prétend s’imposer comme norme, l’Académie française élève à l’unanimité une solennelle mise en garde[1]. »

« […] La fondation de l’Académie française par Richelieu en 1635 marque une date importante dans l’histoire de la culture française […][2] »

« Chacun sait la part que notre très cher et très amé cousin le Cardinal, duc de Richelieu, a eue en toutes ces choses, […] il Nous a représenté qu’une des plus glorieuses marques de la félicité d’un État étoit que les sciences et les arts y fleurissent et que les lettres y fussent en honneur aussi bien que les armes […] que la langue françoise, qui jusqu’à présent n’a que trop ressenti la négligence de ceux qui l’eussent pu rendre la plus parfaite des modernes, est plus capable que jamais de le devenir […][3] »

« On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs[4]. »

  1. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité d’instruction publique, lequel constate que « l’académie française présente tous les symptômes de la décrépitude », adopte le décret proposé par le Comité : « Article premier. Toutes les académies et sociétés littéraires, patentées ou dotées par la nation, sont supprimées[5]. »

 

  1. Article XXIV des « Statuts et règlements de l’Académie françoise », datés du 22 février 1635  : « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences[6]. »

« Dans [l]a marche claire & méthodique [de la langue française], la pensée se déroule facilement […] Ajoutons que la majeure partie des dialectes vulgaires résistent à la traduction, ou n’en promettent que d’infidèles. Si dans notre langue la partie politique est à peine créée, que peut-elle être dans des idiômes dont les uns abondent à la vérité en expressions sentimentales, pour peindre les douces effusions du cœur, mais sont absolument dénués de termes relatifs à la politique ; les autres sont des jargons lourds & grossiers, sans syntaxe déterminée, parce que la langue est toujours la mesure du génie d’un peuple : les mots ne croissent qu’avec la progression si des idées & des besoins. Leibnitz avoit raison : les mots sont les lettres de change de l’entendement ; si donc il acquiert de nouvelles idées, il lui faut des termes nouveaux ; sans quoi l’équilibre seroit rompu. Plutôt que d’abandonner cette fabrication aux caprices de l’ignorance, il vaut mieux certainement lui donner votre langue ; d’ailleurs, l’homme des campagnes, peu accoutumé à généraliser ses idées, manquera toujours de termes abstraits ; & cette inévitable pauvreté du langage qui resserre l’esprit, mutilera vos adresses & vos décrets, si même elle ne les rend intraduisibles[7]. »

 

  1. « Plus que toute autre institution, l’Académie française est sensible aux évolutions et aux innovations de la langue, puisqu’elle a pour mission de les codifier[8]»

« En vain tenteriez-vous d’organiser pour la liberté des corps créés pour la servitude : toujours ils chercheront, par le renouvellement de leurs membres successifs, à conserver, à propager les principes auxquels ils doivent leur existence, à prolonger les espérances insensées du despostisme, en lui offrant sans cesse des auxiliaires et des affidés[9]. »

 

  1. « Je viens appeler aujourd’hui votre attention sur la plus belle langue de l’Europe, celle qui, la première, a consacré franchement les droits de l’homme et du citoyen, celle qui est chargée de transmettre au monde les plus sublimes pensées de la liberté et les plus grandes spéculations de la politique. […] il n’appartient qu’à la langue française […] de devenir la langue universelle[10]. »

« […] devant cette aberration « inclusive », la langue française se trouve désormais en péril mortel, ce dont notre nation est dès aujourd’hui comptable devant les générations futures[11]. »

 

  1. « Il est déjà difficile d’acquérir une langue, qu’en sera-t-il si l’usage y ajoute des formes secondes et altérées ? Comment les générations à venir pourront-elles grandir en intimité avec notre patrimoine écrit ? Quant aux promesses de la francophonie, elles seront anéanties si la langue française s’empêche elle-même par ce redoublement de complexité, au bénéfice d’autres langues qui en tireront profit pour prévaloir sur la planète[12]. »

 

  1. « “Qu’est-ce que l’Académie française ? À quoi sert-elle ?” C’est ce qu’on demandait fréquemment, même sous l’Ancien Régime ; et cette seule observation paraît indiquer la réponse qu’on doit faire à ces questions sous le régime nouveau[13]. »

 

[1] Déclaration de l’Académie française 
sur l’écriture dite « inclusive »adoptée à l’unanimité de ses membres 
dans la séance du jeudi 26 octobre 2017 (en ligne sur le site de l’Académie française).

[2] Extraits de la présentation en ligne de l’Académie française par elle-même, consultée le 29 octobre 2017.

[3] Lettres patentes pour l’établissement de l’Académie françoise, Paris, janvier 1635, enregistrées au Parlement le 10 juillet 1637 (site de l’Académie française). C’est moi qui souligne.

[4] Déclaration de l’Académie française, loc. cit.

[5] Rapport présenté par Grégoire (Henri, dit : l’abbé Grégoire), député du Loir-et-Cher (séance du 8 août 1793).

[6] Site de l’Académie française. C’est moi qui souligne.

[7] Henri Grégoire, « Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française. » Convention nationale, 16 prairial An II (4 juin1794). Trouvé sur fr.wikisource.org.

C’est moi qui souligne.

[8] Déclaration de l’Académie française, loc. cit. Souligné par moi.

[9] « Des Académies. Ouvrage que Mirabeau devait lire à l’Assemblée nationale, sous le nom de Rapport sur les Académies, en 1791 », in Chamfort, Œuvres complètes, tome 1 (consulté sur Gallica.fr).

[10] Bertrand Barère de Vieuzac, Rapport du Comité de salut public sur les idiomes (Convention nationale, le 27janvier1794). En ligne : http://www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/barere-rapport.htm

[11] Déclaration de l’Académie française, loc. cit.

[12] Déclaration de l’Académie française, loc. cit. Souligné par moi.

[13] « Des Académies… » loc. cit.

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