Vivian Petit, Retours sur une saison à Gaza, Éditions Scribest, Bischeim, 2017
Voici un petit livre utile dans le sens où il expose de manière assez détaillée l’histoire et la situation actuelle de la dite « Bande de Gaza », soit l’un des oripeaux de territoire palestinien dont l’État israélien daigne encore tolérer l’existence, même si, comme le déclara un jour Yitzhak Rabin, ancien Premier ministre d’Israël et Prix Nobel de la paix 1994, il rêvait de « voir Gaza sombrer dans la Méditerranée ». Probablement pensait-il plus à ses habitants qu’au territoire lui-même… Militant des réseaux de solidarité avec la Palestine, Vivian Petit a séjourné un peu plus de deux mois à Gaza entre février et avril 2013. Ce qu’il décrit fait penser à un grand camp de concentration. Alors que la Cisjordanie a été réduite en confettis séparés les uns des autres par les colonies et le mur israéliens et quasiment cogérés par l’occupant et ses collaborateurs palestiniens, la Bande de Gaza, elle, est plutôt l’objet d’une répression directe par l’armée israélienne. Vivian Petit insiste sur le fait que les opérations militaires de grande envergure – bombardements massifs, destruction de maisons, massacres de civils, etc. – ne sont que l’aspect le plus visible (parce que plus médiatisé) d’une guerre permanente menée contre les Gazaouis. Il ne se passe guère de jour sans qu’un ou plusieurs d’entre eux soient tués ou blessés par des soldats israéliens, le plus souvent sans même un prétexte apparent. Gaza est soumise à un blocus depuis plusieurs années déjà. Tout manque, à commencer par l’eau potable, mais aussi l’électricité, les matériaux de construction pourtant nécessaires à la reconstruction des nombreuses habitations, écoles et autres hôpitaux détruits en 2014 lors de la dernière grande offensive israélienne, les médicaments et le matériel médical, etc. Au moment où Vivian Petit s’y est rendu, la Bande de Gaza comptait près d’un million huit cent mille habitants concentrés sur environ 360 km2, soit la deuxième densité de population dans le monde (après Hong Kong). Les trois quarts d’entre eux sont des réfugiés – dans leur propre pays. Il y a seulement trois points de passage « ouverts » vers l’extérieur, deux au sud dont un vers l’Égypte, et un au nord vers Israël. Les eaux territoriales se sont réduites comme peau de chagrin à une zone de trois mille nautiques et, de plus, comme aux abords des frontières terrestres les Gazaouis sont régulièrement pris pour cibles par des snipers israéliens, les pêcheurs sont eux aussi victimes de nombreuses agressions de la marine israélienne qui leur tire dessus et leur confisque leurs bateaux. Ces agressions se sont multipliées depuis l’offensive militaire de 2014 : alors au nombre de dix mille, les pêcheurs professionnels ne sont plus que quatre mille aujourd’hui. Vivian Petit donne encore beaucoup d’autres informations sur cette situation qui rappelle celle des juifs dans la Pologne occupée (en septembre 1939) par les nazis avant que ces derniers ne planifient la Solution finale (conférence de Wannsee, janvier 1942) : regroupés d’abord dans le « Gouvernement général » de Cracovie, puis en différents ghettos. (La méthode de gestion de la Cisjordanie rappelle plutôt celle des bantoustans du régime d’apartheid en Afrique du Sud, auquel l’État d’Israêl ne ménagea pas son soutien.)
Vivian Petit raconte aussi son séjour et les rencontres qu’il a faites durant celui-ci (il était prof de Français langue étrangère à l’université Al-Aqsa). Je regrette un peu qu’il n’en dise pas plus là-dessus – j’aurais aimé plus de détails de la vie quotidienne, qui paraissent souvent insignifiants mais en disent tout de même assez long sur une réalité que nous avons du mal à imaginer d’ici. J’admets cependant que ce ne devait pas être facile pour lui de tenir un journal dans les conditions chaotiques que l’on entrevoit à travers les quelques aperçus qu’il nous donne. Reste que ce texte d’intervention est à lire, ne serait-ce que pour acquérir le minimum indispensable (et même un peu plus) de connaissance sur ce qui se passe à Gaza, et dont son auteur nous rappelle, à juste titre, en conclusion du livre, que cela nous concerne aussi, parce que, comme le dit Pierre Stambul, « ce sont des drones israéliens qui surveillent nos banlieues ». Il est vrai que l’industrie d’armement israélienne est présente un peu partout dans le monde et que l’État exporte massivement son savoir-faire en matière de répression. C’est pourquoi, au-delà d’un élémentaire devoir de solidarité, nous avons tout intérêt à connaître un peu mieux les Palestiniens et le sort qui leur est fait avec la complicité de nos gouvernements et de nos multinationales. Dans ce sens, les témoignages de « passeurs » sont précieux – il importe de les écouter.