Georges Lapierre, Être ouragans. Écrits de la dissidence, L’Insomniaque, Paris, avril 2015.
Drôle de titre. Deux déclarations semblent l’avoir inspiré. D’abord celle-ci, rapportée dans la préface : « Soyons un tourbillon de vents dans le monde pour qu’ils nous rendent en vie nos disparus. Soyons une vague et emportons ces monstres, noyons-les, ces scélérats qui nous ont fait tant de mal. » (p. 15) Ces mots sont ceux d’un parent de disparu d’Ayotzinapa (massacre des étudiants d’une école normale rurale perpétré par les « forces de l’ordre » dans l’État du Guerrero, au Mexique, fin septembre 2014). Puis celle-là, qui provient d’une intervention de Kiko, délégué du peuple taïno, de l’île de Borikén, ancien nom de Porto-Rico, lors de la rencontre des peuples du continent dit américain initiée par les zapatistes, à Vicam (État de Sonora, Mexique) en 2007 : « L’homme blanc ne s’est jamais confronté à toutes les nations indiennes unies. Durant des années, chaque peuple s’est affronté à lui séparément et, même ainsi, nous lui avons fait subir des dommages considérables. Ce furent des batailles individuelles, mais la guerre à venir est celle où tous nos guerriers seront unis du nord au sud, d’est en ouest… Nous croyons que nous devons nous aligner sur les ouragans, les inondations, les blizzards, tornades et tsunamis. » (p.529)
Contre le rouleau compresseur du capitalisme, ces deux déclarations invoquent les forces de la terre, de la mer et du ciel. Elles émanent de personnes appartenant à des peuples dont l’être ne se pense pas séparé de celui des autres peuples, pas plus que des autres êtres vivants, ni de l’eau, de la terre ou du feu. C’est bien ce que cherchent à montrer ces « écrits de la dissidence » : que les résistances au capitalisme désormais hégémonique sur la planète viennent principalement de son dehors, des peuples et des zones non encore complètement colonisées par la « peau de grenouille verte » (le dollar, comme l’appelait le Sioux Tahca Ushte (De mémoire indienne, Tahca Ushte, Richard Erdoes, Pocket éditions).
Le sous-titre, Écrits de la dissidence, s’explique, je pense, par la position de l’auteur, lui-même issu du monde occidental, mais allié depuis longtemps des peuples indiens du Mexique, où il vit désormais et partage leurs luttes. (On verra plus loin qu’il ne néglige pas pour autant les résistances de « l’intérieur », les dissidences, justement, même si leur existence dépend de leur capacité à créer ou recréer un « dehors », un extérieur du capitalisme, ce qui, on le conçoit, n’est pas facile en son cœur même.) Mais ce terme de dissidence peut qualifier aussi les luttes « du dehors », dans la mesure où, quelque soit leur position d’extériorité par rapport au capitalisme, ce dernier, comme je l’ai déjà dit, règne en maître à peu près partout sur ce que sa pensée pauvre a réduit à un « univers ».
Voici donc un livre que l’on pourrait qualifier de « partisan », si son auteur ne tenait pas à se démarquer nettement de toute politique : « Le monde de la politique est le monde de la “représentation” fictive d’une égalité (l’égalité entre les sujets d’un échange réciproque) à jamais disparue. Les sociétés qui reposent sur une réciprocité génératrice d’égalité sont des sociétés où le politique n’existe tout simplement pas comme sphère séparée de la vie sociale, de l’ensemble des usages réglant les relations entre les gens. » (p. 359, c’est moi qui souligne.) Je dirai cependant qu’il s’agit d’un livre politique au sens où le philosophe Jacques Rancière définit la politique, comme ce qui vient perturber la gestion policière de la société, la soit-disant politique qui n’est rien d’autre qu’une police. (Rancière, La Mésentente, Galilée 1995).
Mais je vais trop vite en besogne : en effet, il ne s’agit pas d’un livre mais de trois « qui forment comme un tryptique. » Ces trois livres, regroupés par l’Insomniaque en un seul fort volume de 688 pages, s’intitulent respectivement : De la réalité et des représentations que nous en avons, Six thèses pour une brève histoire du capitalisme des origines à nos jours augmentée de quelques considérations critiques, et enfin L’Expérience mexicaine. Ils explorent les questions suivantes : « Comment saisir notre présent, cette réalité fuyante, souvent inédite, trop familière pour être connue ? Quelles sont les forces en présence ? Comment définir les résistances qui s’opposent à l’avancée, qui semble inexorable, du monde marchand ? » (p. 7)
« […] dans ces trois livres, prévient l’auteur, je m’attache à faire valoir un point de vue opposé à celui des marchands. C’est le point de vue proposé par les sociétés sans État, par les peuples, les tribus, les clans, les bandes, les pirates, les apaches, les blousons noirs, les voyous et autres voyants. Je dis “voyants” car n’importe quel peuple en résistance, n’importe quelle bande de petits voyous de banlieue, sait très bien à quoi s’en tenir sur le monde dominant et sait très bien qu’il y a incompatibilité – qu’il s’agit d’une situation de guerre et qu’il n’y aura pas de trêve. Toute vie collective qui survit encore de-ci, de-là, ou qui cherche à se maintenir ou à se reconstruire, à s’inventer avec ce qu’elle a sous la main, avec ce qui surnage d’un naufrage, entre en guerre. » (p. 14, c’est moi qui souligne.)
Le premier livre déploie « un discours sur la réalité en tant que soi, en tant que réalité de la pensée se réalisant ; [l’auteur] y critique deux concepts qui sont propres à notre représentation du monde et de l’être : celui de nature et celui d’individu. » Dans le deuxième livre, « il s’agit cette fois d’un discours sur l’apparence comme réalité ». Quant au troisième, « il parle de la résistance que les peuples indiens du Mexique opposent à l’avancée du monde marchand […] et se présente comme une chronique des temps présents. » (p. 15) Dans ces trois livres, Georges Lapierre expose comment une pensée, la pensée marchande, cherche à éliminer toutes les autres pensées de la planète – tout en se nourrissant de leur décomposition. Je dis bien pensées car, pour Georges Lapierre, toute réalité est d’abord pensée. C’est le propre de l’homme : « Nous avançons que la société est la réalité de la pensée ; l’homme, en tant qu’être générique, en tant qu’être généré par la vie sociale, est l’être de la pensée, la pensée réalisée en lui. La pensée n’est pas une faculté de l’individu de l’espèce humaine, elle est le propre de l’homme, c’est-à-dire d’un être issu de la vie en société. » Ceci est arrivé parce que « l’homme a institué une rupture dans l’immédiateté de la relation liant le vivant à son environnement, le vivant puisant dans son environnement ce qui lui est nécessaire, à telle enseigne que la relation est en quelque sorte organique entre les deux, entre la bactérie et sa proie. » (p. 272) Ainsi, « l’homme […] est né d’une discontinuité, d’une rupture dans le flux qui lie le besoin à sa satisfaction. » De cette rupture dans l’immédiateté besoin/satisfaction naît la médiation – et de la médiation, la pensée de la médiation : « l’homme n’obéit pas à l’instinct mais aux règles fondatrices de la vie sociale, il est l’être des obligations réciproques […] » (p. 77) « L’instauration d’une médiation apporte avec elle la réflexion sur soi. La conscience de soi va de pair avec la pratique sociale, elle trouve son origine dans la reconnaissance sociale que nous tirons de cette pratique. La conscience est le ricochet de l’autre et des autres en nous. Cette conscience naît avec le langage (ou le langage naît avec elle) et s’exprime par le langage. La conscience est l’acte de concevoir, avec elle apparaît le concept. C’est le “je suis un être humain” ou le “je suis un homme-chauve-souris” (ce qui revient exactement au même) qui se déclinent dans toutes les langues connues ou secrètes. […] L’être surgit avec le nom, c’est le rêve d’un nom de l’ancêtre de l’homme, l’être humain est celui qui a un ou plusieurs noms et qui entre ainsi avec son nom ou ses noms dans un système de relations. » (p. 81)
C’est pourquoi la pensée existe : comme « réalité de l’agencement des relations entre les gens. Cet agencement des relations entre les gens forme un cosmos, un espace ordonné en sorte que tous communiquent avec tous. Ce cosmos, cet espace où se déploie la communication de tous avec tous, n’est pas ordonné par une pensée qui lui serait préalable, il est la pensée même, il est l’expression de la pensée ; la réalité de l’ordonnancement social (la réalité de la communication entre les humains) est la réalité de la pensée. Nous n’avons pas à chercher plus loin l’origine de la pensée. » (p. 91, c’est moi qui souligne.)
Ceci n’empêche pas Georges Lapierre de se demander comment s’est produit cet événement fondateur, la rupture de l’immédiateté et l’apparition conséquente du langage, de la conscience, etc. Loin des explications tristes de la rencontre hostile avec d’autres primates (la guerre de tous contre tous chère à Hobbes) ou utilitaristes (et tout aussi tristes) de l’invention de l’outil qui aurait entraîné un développement inédit du cerveau et des facultés mentales, il nous propose une hypothèse beaucoup plus réjouissante : « J’imagine plutôt un geste plus incongru, du moins pour nous, plus surprenant, celui du don, un primate qui donnerait une banane à son voisin, suivi, quelque temps plus tard, d’un geste tout aussi incongru sinon plus, celui d’un retour. Nous pouvons aussi supposer (l’imagination n’est-elle pas qualifiée de folle du logis ?) en prenant en compte le facteur temps que l’un et l’autre se soient pris au jeu, entraînant dans cette sarabande, dans ce qui allait être la geste de l’humanité, le reste de la bande. Une grande partie de rigolade, en somme. » (p. 273, c’est moi qui souligne.)
Par la suite, au cours de la préhistoire puis de l’histoire, différents modes de pensée se sont réalisés – et se réalisent encore, en différents modes de médiation, de communication, d’échange : en différentes sociétés. On peut les classer en différents types dans lesquels la pensée est plus ou moins séparée, plus ou moins appropriée par une classe de gens ou, au contraire, plus ou moins partagée par l’ensemble des gens. « Aujourd’hui, nous sommes en présence de trois modes de réalisation de la pensée de la médiation donnant trois types d’être collectif : l’être individualiste, l’être théologique, l’être communaliste. L’être individualiste est athée ou alors chrétien régénéré [les born again des États-Unis et d’ailleurs, à image de George W. Bush], c’est l’être de la séparation. La pensée est son extériorité, comme la pensée de l’espèce est l’extériorité absolue pour l’individu de l’espèce. L’être théologique est l’être religieux, en relation avec une pensée générique confisquée par les clercs. L’être communaliste est celui qui vit au sein d’une communauté de pensée, dans une relation étroite avec l’esprit qui anime la vie collective. » (p. 74) Nous vivons aujourd’hui la siuation dans laquelle la pensée de la peau de grenouille verte, une pensée qui se veut unique – alors qu’elle n’est qu’une pensée parmi d’autres, la pensée de l’Un, ce qui fait d’elle une pensée indigente par rapport aux pensées des multiplicités – a établi sa domination presque absolue et a colonisé la quasi-totalité de la planète. Cette pensée se matérialise dans la marchandise et avant tout dans la marchandise absolue, l’argent. Elle réduit tous les échanges humains (et les « échanges » des humains avec leur environnement, si on peut nommer ainsi le pillage des ressources) à l’échange marchand et soumet chacune et chacun à l’empire de la nécessité (le besoin d’argent). « C’est une erreur de penser, écrit Georges Lapierre dans son deuxième livre, que le capitalisme commence par une accumulation, primitive ou non, de capital, en l’occurrence sous sa forme la plus simple, une accumulation d’argent. Le capitalisme est seulement une idée dans certaines têtes qui s’impose avec de plus en plus de force et de violence pour occuper peu à peu toutes les têtes. Ce que les idéologues appellent l’accumulation de capital n’est qu’une accumulation de force et de puissance, le mouvement d’une pensée en quête d’universalité : le pouvoir pour une pensée, pour une idée, d’être effective, c’est-à-dire de se réaliser. Le capital est seulement la prise d’ascendant d’un point de vue, en l’occurrence celui des marchands, sur d’autres conceptions de l’échange. » (p. 349, c’est moi qui souligne.) Finalement, le capitalisme, ou la pensée du marchand, est le mode de réalisation de la pensée de la médiation qui, en matérialisant cette médiation dans la peau de grenouille verte, et en soumettant l’ensemble des hommes au besoin d’argent et au travail en vue de s’en procurer, a supprimé tout autre médiation et nous ramène au stade de la vie dépourvue de pensée, telle que la vivaient les primates jusqu’à la découverte du don.
Comment en est-on arrivé là, c’est ce que se demande Georges Lapierre dans le deuxième volet de son tryptique, Six Thèses pour une brève hisoire du capitalisme. Ce qui a donné sa force au capitalisme, et qui lui a finalement permis de soumettre presque toute l’humanité à sa dynamique, c’est d’abord cette sorte de bombe atomique mentale qui a désintégré tout le tissu de relations de sujet à sujet qui existait – et existe encore ici et là – dans les sociétés sans État. Comme on l’a déjà vu, les sujets n’étaient pas seulement des hommes ou des femmes, mais aussi tout ce qui les entourait, tout ce qui faisait partie de leur « soi » – plantes, animaux, éléments… Dans la société capitaliste, la dynamique marchande a, depuis le XIIIe siècle environ, progressivement tout transformé en marchandises, c’est-à-dire en objets. Georges Lapierre avance que ce processus trouve sa matrice dans la société grecque antique, où le fameux « miracle » de l’invention de la cité, avec sa politeia, s’est produit sur le fondement de l’esclavage, soit un rapport entre des citoyens-sujets et des esclaves-objets. « Nous sommes trop immergés dans notre civilisation pour prendre la mesure exacte d’un tel bouleversement. Pour la première fois toute une organisation sociale se fonde sur les oppositions sujet/non-sujet, pensée/non-pensée, citoyens/esclaves, humain/non-humain, culture/nature. L’extériorité fait irruption à l’intérieur du soi, dans l’intériorité du soi, dans son intimité, comme partie constitutive du soi. Le concept de nature n’exprime tout compte fait qu’un rapport social. Le seul contenu donné à cette extériorité, qui se trouve à l’intérieur du soi, est l’asservissement. » (p. 363) C’est cette capacité d’objectivation qui a donné l’avantage au capitalisme dans ses confrontations avec les autres mondes. Les sociétés sans État, d’abord : modes de réalisation de la pensée basées sur des relations de sujet à sujet (y compris entre humains et non humains), elles virent les nouveaux arrivants, aussi étranges qu’ils fussent (leur peau était pâle, ils apparaissaient montés sur des animaux inconnus, leur langage était incompréhensible et leur odeur improbable), comme des sujets – et donc comme des êtres dignes de respect, et, en conséquence, leur offrirent cadeaux de bienvenue et hospitalité. On sait comment les traitèrent les colons blancs. « La société marchande, chrétienne et d’origine occidentale sait très bien quel est son ennemi dans son entreprise de colonisation de la planète : “Notre sûreté dépend de l’extermination des Indiens. Nous devrions, afin de protéger notre civilisation, insister encore et débarrasser la Terre de ces créatures indomptées et indomptables.” Ces mots d’un député nord-américain à la fin du XIXe siècle ont été mis en pratique sur tous les continents à mesure que s’étendait le front d’une guerre sociale devenue universelle et exigeant la complète destruction de l’autre, son anéantissement. » (p. 400) Quant aux sociétés théocratiques ou théologiques, où l’État des clercs prétendait encore régir l’activité marchande, elles ont succombé à leur tour sous les coups de boutoir de la marchandise, d’autant plus facilement qu’elles n’offraient guère de perspectives enthousiasmantes à leurs citoyens – telle l’URSS disparue après la chute du mur de Berlin en 1989.
Engagé depuis des années aux côtés des peuples indiens du Mexique qui luttent afin de préserver leurs territoires et leurs modes de vie, Georges Lapierre, malgré un certain « pessimisme de l’intelligence », parle dans son troisième livre de ces luttes avec « l’optimisme de la volonté » (Antonio Gramsci, c’est moi qui introduit cette référence). Il y rend compte aussi de ses précieuses observations sur le « mode de vie actuel » de ces peuples, lequel, défini par le terme de « communalité », constitue déjà en lui-même une forme de résistance. Un chapitre est consacré à cette communalité, traduction en français du terme comunalidad : il s’agit d’un « concept inventé par Floriberto Díaz Gómez et Jaime Martinez Luna pour désigner le mode de vie d’une communauté indienne, pour le premier celle de Tlahuitoltepec, communauté ayuujk (mixe) de la Sierra Norte, pour le second, celle de Guelatao, communauté binnizá (zapotèque), elle aussi de la Sierra Norte. » Georges Lapierre nous adresse ici un avertissement important : les membres de ces communautés ont eux-mêmes des termes pour désigner leur mode vie – comunalidad n’est qu’une tentative de « traduction en espagnol de concepts exprimés en langue vernaculaire. Ce qui est directement vécu, le contenu implicite du mot dans la langue vernaculaire, disparaît dans ce passage dans un autre mot, dans une traduction ; et ce passage dans un autre mot est aussi bien le passage dans un autre monde ou dans une autre réalité, la nôtre, ou réalité du monde occidental, chrétien et capitaliste. Le contenu de ce concept doit alors être explicité et décrit, il n’est plus donné (ou si peu) par l’expérience, mais approché par l’imagination. Ce qui est une réalité dans le monde indien devient une utopie dans le monde occidental, chrétien et capitaliste… ou une nostalgie. » (p. 467-468)
Cette recherche qui a abouti au terme de comunalidad et qui a commencé dans les années 1980 dans la Sierra Norte a été poursuivie jusqu’à aujourd’hui, entre autres par la mise en place en divers lieux du Mexique d’« ateliers de dialogue culturel » : une méthodologie qui vise « à la conscience de soi : il s’agit de prendre conscience des valeurs, des pratiques, des connaissances, des croyances sur lesquelles reposent ce que [Georges Lapierre appelle] une vie sociale en résistance. » Attention : « Il ne s’agit pas d’une conscience de soi en tant qu’individu, comme on pourrait le penser, mais de la conscience de soi en tant que peuple, en tant que société organisée selon un certain mode et dans un certain esprit. » (p.468-469) Finalement, cette recherche et son prolongement dans les ateliers de dialogue culturel ont permis de comprendre et de décrire la communalité, soit « ce qui définit la forme de vie et la raison d’être des peuples indiens ». Selon Floriberto Díaz, elle est composée de « cinq éléments fondamentaux : 1) la Terre comme mère et comme territoire ; 2) le consensus en assemblée pour la prise de décision ; 3) le service gratuit comme exercice de l’autorité ; 4) le travail collectif comme activité de récréation ; 5) les rites et cérémonies comme expression du don communal. » (p. 471). Ce chapitre du troisième livre développe de façon détaillée ces cinq éléments fondamentaux – je ne peux ici que renvoyer au texte.
Bien sûr, ces formes de vie sont menacées. « La pression du monde marchand se fait de plus en plus sentir. Peu à peu les communautés perdent les moyens de leur indépendance, les ressources de leurs territoires sont accaparées avec violence par des entreprises nationales ou internationales. […] Pourtant cette autonomie en péril, moribonde, a encore une réalité, elle n’a pas totalement disparu, dissoute dans le vaste monde du shopping comme chez nous. » (p. 479-480) Ce sont les luttes pour sa préservation et/ou sa renaissance que raconte ce troisième livre, y compris, bien sûr, la lutte zapatiste – du moins quelques aperçus de cette lutte, tels qu’ils ont été vécus par l’auteur. Je n’en parle pas plus longuement ici car les informations sur ces luttes sont facilement disponibles pour qui veut bien se donner la peine de les chercher – un site internet, entre autres : La voix du jaguar, les rapporte régulièrement.
Après ce compte-rendu probablement un peu trop long, il n’est pas nécessaire de préciser que je recommande chaudement la lecture de Être ouragans, lecture indispensable, me semble-t-il, à toutes celles et ceux qui luttent ou veulent lutter contre le monde capitaliste.
Un dernier mot tout de même, pour saluer la posture de l’ami Georges, telle qu’il la précise au tout début de son ouvrage, dans les Remerciements : « Le livre est le résultat d’une dispute où sont convoqués les vivants et les morts et dans lequel l’auteur n’est en fin de compte que le médiateur du moment ; il ne fait, et c’est là son rôle, que donner un sens au débat : il le met en perspective afin qu’il puisse reprendre et se poursuivre dans un futur encore indéterminé. » À mon tour de dire merci.
f. h., le 19 août 2005